J’ai lu  » Apaiser nos tempêtes » de Jean Hegland

Jean Hegland est une écrivaine américaine dont seulement deux romans sont traduits en français, et dont le sublime  » Dans la forêt » a mis vingt ans avant d’être traduit.

Mais pourquoi…?

J’avais absolument, passionnément aimé « Dans la forêt » pour plein de raisons. Je mettrai en fin de cet article ma critique d’alors publiée sur Babelio.

Après cette seconde lecture elle est le genre de personne dont j’aurais envie d’être l’amie. Parce que son roman est empli de sensualité, d’empathie et d’une profonde connaissance de la vie de la maternité et de ce à quoi sont confrontées les mamans.

Son premier roman traduit en français est édité aux éditions Gallmeister et celui-ci, un bijou est édité par les éditions Phébus.

Mais cette fois-ci , ce roman, m’a encore plus touchée profondément. C’est, je crois, le premier roman que je lis qui traite des modifications profondes qu’induisent en nous, femmes, la maternité, et tout ce qui tourne autour : Le choix ou pas d’une grossesse, le souvenir d’une I.V.G., l’accouchement, l’amour absolu et unique que nous avons envers nos enfants, mais plus subtilement, l’amour féroce et sauvage que nous ressentons envers nos enfants, avec ses moments de grâce, et ses moments difficiles et parfois ses épreuves et même ses désespoirs.

J’ai profondément aimé l’écriture de Jean Hegland parce qu’on est loin des essais-romans français sur ce thème avec une froide distance intellectuelle.

J’ai retrouvé partiellement, mais suffisamment, des sensations et émotions proches de ma propre expérience de la maternité, si pleine d’amour et de doutes, si emplie de plénitude et si peu soutenue par l’entourage, si essentielle au cœur de ma vie, parce que touchant à la création d’une façon si puissante et intime.

J’ai adoré que l’une des personnages soit une artiste et que l’on plonge avec elle dans les doutes que suscitent l’utilité de l’art face à son rôle de mère, ses responsabilités et le temps de la maternité et éducation de ses deux petites filles.

Certaines pages m’ont fait frémir de joie intense et d’émotions, en lisant à travers le récit d’Anna, qui décrit « l’été parfait » de sa première fille Lucy lors de ses quatre ans, des moments de vie que j’ai l’impression d’avoir vécu avec ma propre fille.

La grâce de Lucy, les mots et expressions pleine de poésie, l’émerveillement tranquille et son admiration maternelle, et puis l’amie imaginaire de Lucy, j’ai connu tout cela.

Jamais je n’avais lu des récits d’accouchements aussi justes, avec les pensées qui vous traversent en quelques centièmes de secondes, et ces bouffées d’amour et de sensations d’être à votre juste place, avec votre bébé, ce côté mammifère de la maternité si puissant, à travers ces récits de deux femmes si différents.

C’est puissamment réusssi.

Jean Hegland a choisi de conter les trajectoires de deux femmes donc. L’une est artiste photographe, a suivi un cursus universitaire et évolue dans ce milieu puisque son conjoint lui aussi est chercheur-enseignant en université.

L’autre a arrêté le lycée, n’a pas de formation.

Leurs histoires débutent lorsqu’enceintes toutes les deux l’une choisit d’avorter, l’autre de garder le bébé.

Le côté social et et culturel est très présent sans être caricatural ni lourd, nous sommes aux USA, tout se paie et sans argent, pas de bonne éducation, ni de soins de santé et l’ivg est payante.(Certainement en fonction des états.)

Malgré ce contexte très nord-américain, le côté universel des femmes, face et avec leur lien maternel, les pages nombreuses sur ce qu’elles tissent entre l’enfant et elle, les moments privilégiés complices sont assez universels, du moins dépassent les frontières des seuls U.S.A.

Les difficultés auxquelles Cerise doit faire face sont différentes du fait des duretés financières, de la violence sociale, et de son isolement familial.

Anna elle, a une famille, et débute son histoire de mère dans une propriété familiale idyllique , en milieu rural au Nord-est des U.S.A.

Chacune des deux femmes va être confrontée à des épreuves d’ordre différent qui affecteront leur lien à la vie et leur maternité comme à leur travail, de façon différente et qui va faire en sorte quelles se rencontreront.

Au delà des histoires d’Anna et de Cerise, il y a des personnages importants tels Sally, sœur d’Anna qui permet d’évoquer les difficultés de l’adolescence à travers la mère, et ses désarrois, la vision qu’en a Anna alors toute jeune maman est très juste je trouve, persuadée que ça ne lui arrivera jamais : Nous sommes des humaines dominées par nos hormones bien plus souvent que nous ne voulons l’accepter !

Rita, la rude et froide mère de Cerise également est un personnage que l’on croise au début du roman, impressionnante de dureté.

Et les hommes ? Ils sont moins présents que les femmes et pour une fois… Elliot le mari d’Anna semble plus disponible et à l’écoute tandis que les deux hommes que connaîtra Cerise sont vraiment des brutes sans sentiments, là aussi les milieux sociaux ont toute leur importance de façon très forte.

J’ai pensé dès la première partie de ma lecture, qu’il faudrait offrir ce livre à toutes les futures mères, ou jeunes mères ou à toutes les mères…

C’est superbement traduit, c’est écrit avec une belle plume emplie d’intensité et de volonté de sincérité et c’est vraiment très réussi, rien ne saurait autant préparer à cette folle expérience de vie qu’est la maternité que ce roman de Jean Hegland.

Peut-être que s’il y en avait plus, beaucoup plus, sans que rien ne soit édulcoré, je ne n’écrirai pas cela. Sans doutes.

J’ai aussi énormément aimé, la place de l’art. les Arts plastiques au début de l’histoire de Cerise sont sans importance, même si elle a bon coup de crayon pour elle le dessin doit représenter la réalité et elle aime passer des moments de coloriage partagé avec sa fille le week-end.

Anna elle, choisit de devenir artiste dès sa jeunesse. l’art fait partie de sa vie.

Et dans une tension dramatique, la première enfant de Cerise va choisir une voie artistique en même temps qu’une rupture brutale avec cette dernière.

La rencontre entre Anna et Cerise, permettra à l’une de souffler et de reprendre sa pratique artistique et à l’autre de se reconstruire et de découvrir une entrée vers l’art, pour continuer sa route vers celle qu’elle a mise au monde et qui l’avait rejetée.

Rien n’est niais, ni facile, dans cette histoire qui en mêle plusieurs, peut-être parce que Jean Hegland sait que rien n’est niais ni facile dans les histoires vraies des femmes qui sont mères dans ce monde.

C’est un roman que je relirai et offrirai à ma fille tant aimée.

Et que je vous conseille chaleureusement.

Voici quelques extraits en images, j’en ai recopié sur Babelio, pas forcément les mêmes :

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J’ai lu  » Dans la Forêt » de Jean Hegland

Ce roman en est un . Vraiment romanesque tout en reposant sur des réalités sociales passionnantes comme le homeschooling -Apprendre en famille hors de l’institution scolaire- , assez développé aux USA et possible en France d’ailleurs, (Mise à jour 2021 presque possible en France plus du tout comme ce le fut.) ou le fait de pouvoir acheter un lopin de forêt pour y vivre . (USA)

Mais il part ensuite sur le fait que les pays dits riches, (Ici USA) se retrouvent via des guerres mondiales -ailleurs-privés de sources d’énergies auxquelles tous sont habitués . Electricité, eau courante , web via l’électricité, gaz, essence, transports , services plus ou moins publics etc. … C’est donc un roman sur une catastrophe écologique annoncée extrêmement intelligent.

Lentement mais sûrement le pays se retrouve dans un vaste chaos . Nos deux héroïnes, extrêmement attachantes vivent dans une clairière avec leurs parents, près d’une petite ville , à l’orée d’une forêt . Le roman va explorer leur vie d’enfants (passée) , hors des murs d’école , leurs lectures et désirs de jeunes adolescentes . Les parents sont aussi des figures majeures de ce roman bien que la maman soit décédée .

Leurs choix de vie, leurs cheminements, le regard porté par les filles , c’est très fort . Au niveau du récit tout est rédigé par l’une des deux sœurs , qui retrace le passé et consigne le présent des deux sœurs livrées à elles-mêmes dans un pays sans plus aucune sécurité , que ce soit au quotidien comme pour le collectif . le roman monte en puissance de façon fort bien dirigée, nuancé et profonde .

Les personnages grandissent en même temps que la situation , et la situation dramatique est à la fois belle et dure . Il y a longtemps qu’un roman ne m’a autant transportée et fait vibrer !

Ce genre de livre se relit et se partage . Je dis peu de l’intrigue ce serait fort dommage … Mais rarement on lit des portraits d’adolescentes aussi peu mièvres , aussi matures, aussi forts et à la fois aussi crédibles !! Les rapports à l’amour aussi sont superbement explorés, comme le rapport entre sœurs .

Celui avec la Nature, est beau sans être trop sublimé . Et notre rapport aux besoins créés par notre civilisation est brossé de façon magistrale sans être excessif . Un roman magistral et puissant .Et une remise en question de nos sociétés ultra consommatrices d’énergie dans ce roman d’anticipation sensuel et empathique, osé et original, visionnaire et un grand morceau de littérature. ( Incroyablement traduit vingt ans après sa parution, je ne m’y fais pas !) A lire absolument, donc.

« Dans la forêt » Jean Hegland chez Gallmesteir.

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