« Un monde flamboyant » est un roman autour de l’art contemporain , des femmes artistes et de leur difficulté à se faire une place dans ce monde , et un récit flamboyant pour le coup, de Siri Hustvedt , inventant autour de questions qui lui importent, liées à la philosophie, des personnages, tous, ce qui pourrait paraître banal pour une romancière mais ne l’est pas tant que ça :
Je m’explique : Enfin je vais essayer !
Tout d’abord je vous livre le résumé de l’éditeur : « Après sa disparition, une artiste plasticienne, Harriet Burden (dite « Harry »), méconnue de son vivant, fait l’objet d’une enquête menée par un professeur d’esthétique auprès de tous ceux qui, de près ou de loin, l’ont côtoyée de son vivant.
Cet envoûtant thriller intellectuel qui a pour théâtre les milieux de l’art redistribue avec brio les thèmes chers à Siri Hustvedt dans son oeuvre de fiction comme dans ses essais, et constitue une inoubliable plongée dans les arcanes de la création comme de l’âme humaine, explorées ici par une romancière sans conteste au sommet de son art. »
Le roman s’ouvre avec une préface qui fait partie intégrante du roman, c’est un des personnage du roman , dont on ne connait d’ailleurs pas l’identité sexuelle, celui ou celle qui écrit sur Harry ( Harriet Burden) après sa mort.
Le roman sera donc constitué du travail de cette personne qui va chercher à recueillir le plus de textes et de témoignages possibles autour de cette artiste plasticienne.
On va passer des témoignages de ses enfants, de son compagnon, des artistes avec qui elle va monter en trois parties, une supercherie en exposant son travail en nom de trois artistes hommes, et des extraits de ses nombreux journaux intimes etc…
Ce roman de 400 pages est incroyable ! Siri Hustvedt , invente y compris l’oeuvre plastique de son héroïne, (Bravo ! ) même si les références à Louise Bourgeois sont bien présentes, cette oeuvre est bien double : celle littéraire de Siri Hustvedt et presque plastique via l’écriture. Chapeau bas !
Le personnage principal est veuve de son riche marchand d’art qui l’a mise de côté en tant qu’artiste plasticienne durant toute leur vie commune…
Harry aura été mère attentive, femme polie , mais terriblement frustrée et mise de côté en tant qu’artiste.
J’allais oublier : tout ceci se déroule à New-york, je ne sais pas si l’autrice a déjà écrit sur des personnages non new-yorkais, ce n’est que le 3ème roman que je lis d’elle, mais elle-même est très New-yorkaise…
Ceci dit, la problématique de départ, existe un peu partout : Oui, il est plus difficile pour une artiste de faire voir et comprendre son travail , car et c’est là ce qui va être disséqué dans le roman, nous ne percevons pas les oeuvres d’art sans tenir compte de ce que nous savons de l’artiste, dont en premier lieu son sexe et genre.
Il y aura donc des pages et notes de bas de page ( fort intéressantes !) sur la notion de perception entre autres !
C’est un roman brillant, profondément intellectuel, dans le bon sens du terme, impossible de le lire sans réfléchir plus avant, sans chercher au-delà, sans lire sur certains termes évoqués…Ceci rend plus intelligente, peut-être ? je ne sais pas , mais j’aime bien cette stimulation !
Nous ne sommes dans l’émotion avant tout, qui m’est familière, mais justement cela m’intéresse de passer à un autre niveau, à une réflexion plus poussée , dans un récit choral, absolument fascinant et pas toujours » charmant » :
Oui car l’histoire de Harry, va au -delà de la question des artistes-femmes et leur statut/s actuel/s dans le maelstrom qu’est le mélange entre milieu/ marché/ de l’art visuel et contemporain ! On pourrait très bien en France considérer le travail artistique décrit par l’autrice dans le roman comme de l’art singulier actuellement, me semble-t-il…
Mais elle veut elle, être vue, visible, reconnue, comprise ! Et c’est bien ça le pire, le plus âpre et difficile : Que le travail soit visible, c’est déjà bien compliqué, qu’il soit reconnu…Ouh là , mais compris ? …. !! Je ne suis pas certaine que ce soit toujours possible !
Il y a des pages écrites par des critiques d’art ( inventés oui bien sûr ! ) où je me suis dit que Siri Hustvedt avait dû bien s’amuser…
Que puis-je écrire pour vous donner envie de le lire? Le personnage de Harry est fantastique ! On voudrait l’avoir connue… Elle est tellement pleine de vie, de variété, d’élans, de contradictions oui, mais aussi d’ouverture et … Elle est tellement intéressante !
Oui elle choisira trois artistes hommes pour la représenter dans des galeries qui vont montrer son travail en leur nom , pour tenter bien naïvement de prouver ensuite que c’était le sien et que les succès sont siens : Mais enfin, pourquoi ne pas avoir signé de contrats …? Toujours est-il qu’à part le second artiste qui lui est gay et métisse , donc opprimé aussi, les deux autres ne se comporteront pas bien avec elle, jusqu’au dernier qui sera immonde.
Et j’ai eu du mal avec cette partie, c’était pénible de la voir presque s’avilir en acceptant de se faire du mal.
J’ai aimé tout le reste… Les créations artistiques, la relation avec ses enfants, leurs écrits, son compagnon de la fin, ses emportements et sa porte ouverte, son originalité; les notes de bas de page , et tous les questionnements qui ont accompagné cette lecture bien féconde !
J’ai aimé Harry aussi , et ma curiosité envers Siri Hustvedt a été attisée , cette femme est si brillante , c’est une chance de pouvoir la lire !